© Florence Traullé |
Cela faisait trois semaines que je passais des soirées, des bouts de week-end dans ce centre d’hébergement pour demandeurs d’asile, ouvert en catastrophe parce que la photo du cadavre d’un enfant échoué sur une plage turque avait ému et qu’il fallait bien faire quelque chose. La ville de Lille avait mis à disposition une maison de retraite désaffectée, des travailleurs sociaux avaient été dépêchés en catastrophe.
Dans la journée, une dizaine d’hommes était arrivée de Calais. Des Soudanais, un Lybien, un Tchadien. Nous étions assis dans la salle du rez-de-chaussée. Aboubakar avait un livre avec des images et la traduction des illustrations en arabe et en français. Les exercices de prononciation ont provoqué quelques fous rires. Abdallah, arrivé aussi ce jour-là, improvisait des passes de foot avec un gamin irakien.
Nous en étions au troisième thé de la soirée. Dans ma poche, mon portable envoyait des alertes en rafale. Il devait être 21 h 30. J’ai fini par regarder. J’ai lu : «Fusillade à Paris, une dizaine de victimes». On ne savait pas encore que ça serait bien pire. Je me souviens de cette femme, descendue en courant et qui, terrifiée, répétait en boucle «Daech, Paris ! Daech, Paris ! Daech, Paris !»
J’ai mis longtemps avant de réaliser que l’histoire de ce travail photographique est véritablement née cette nuit-là.
La nuit du Bataclan.
Le 13 novembre 2015.
Pendant 18 mois, j’ai partagé le quotidien de ce centre de réfugiés. Je ne voulais pas photographier Calais, la boue et la désolation du bidonville devenue, dans le langage courant, « la jungle ». Un mot terrible. Comme si les hommes étaient devenus des animaux.
Je voulais raconter l’intime, dans un lieu sécurisé, comment se construit, se reconstruit, une vie ici, dans son quotidien, avec ses lenteurs, ses espoirs, ses désillusions, l’attente et l’angoisse de l’obtention de l’asile ou de son rejet, l’apprentissage d’une nouvelle langue, la vie de cette drôle de communauté où vivaient ensemble des femmes, des hommes, des enfants, qui ne parlaient pas tous la même langue mais unis dans ce destin d’exilés pour qui tout est à recommencer. Le temps de reprendre souffle.
J’ai vécu, avec eux, auprès d’eux, une magnifique leçon de vie, aussi.
J’espère leur rendre hommage, à travers ces photographies, avec pudeur et tendresse.
Je vous offre quelques-unes.
En partage.
Florence Traullé
EXPOSITION DES LAURÉATS DU CONCOURS DE PORTFOLIOS 2017
Galerie Nadar - Médiathèque André Malraux de Tourcoing
Galerie Nadar - Médiathèque André Malraux de Tourcoing
Du 12 mai au 30 juin 2018
VERNISSAGE DE L'EXPOSITION
LE SAMEDI 12 MAI A 11H30
LE SAMEDI 12 MAI A 11H30