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© Bernard Plossu
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© Christian Ramade
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© Olivier Reynaud
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© Fred Pereira
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Photographies de Bernard Plossu, Christian Ramade, Olivier Reynaud et Fred Pereira
Dans les années 1992 alors que je dirigeais un stage couleur au festival « Aubagne en vue » je vois arriver un brave « Papy » qui m’explique qu’après avoir géré une grosse entreprise de luminaire à Marseille tout en faisant de la voile pendant ses loisirs, il avait décidé de prendre sa retraite. Pensant être trop âgé pour se mettre à la peinture il avait pensé s’essayer à la photographie dont il ignorait tout ou presque. Ce fut un stagiaire assidu, perspicace et curieux et surprenant de créativité ; à la fin du stage je lui ai conseillé d’oublier la technique qu’il pourrait perfectionner suivant ses besoins mais surtout de lire des livres de photographes afin de comprendre le monde des images. Pendant une année il ne s’est pas passé une semaine sans qu’il ne m’appelle. Au bout d’un an il était devenu incollable sur l’histoire de la photographie de Niepce à Peter Witkin et Jeff Wall ; c’est ainsi qu’une amitié durable s’est créée.
Il avait pris l’habitude de se faire des autoportraits qu’il tirait sur papiers de petits formats et collait ensuite sur toutes les images qu’il trouvait. « A mon âge je n’ai plus beaucoup de temps pour voyager cela me permet de faire le tour du monde dans mon appartement ». C’est ainsi que Gilbert Garcin est devenu Mister « G », éternellement affublé de son grand manteau de laine grise, et que l’émule de Jacques Tati est devenue « une image ». Rapidement la machine s’est emballée : Gilbert entre à la galerie Parisienne les filles du Calvaire en 1999, puis expose au Portugal, au Brésil, en Grèce, en Espagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Suisse, en Italie, aux USA. Il avait chaque année sa place réservée à Paris-photo. Il quitte le Calvaire pour la galerie Camera Obscura. En 2013 il est une des têtes d’affiches des Rencontres d’Arles. Il publiera une dizaine de livres avant d’entrer dans le club très fermé des photographes de « Photopoche ».
Gilbert était doué d’une grande lucidité et d’un énorme potentiel de travail. Obsessionnel, il se lève tôt le matin pour parcourir le monde sur internet à la recherche de nouveaux contacts. Après le petit déjeuner il court après de nouvelles idées qu’il croque rapidement sur un cahier de brouillon. Si l’une d’elle lui semble réalisable, il file sur la terrasse de son appartement situé au dernier étage de l’avenue du Prado à Marseille, où en plein mois d’août il fait souvent prés de 45°, pour « s’autoportraiturer ».
« Les poses sont difficiles à tenir avec mon Loden et mon chapeau » m’avouait-il.
La deuxième étape se passe dans son atelier à sa villa de La Ciotat : un cabanon de 8m2 au fond de son jardin au sol de terre battue. Au milieu y trône une vieille table en bois recouverte d’un plateau d’isorel, au-dessus de la porte est accroché un projecteur de diapo Prestinox qui projette des fonds très minimalistes, nuages, mer, désert de sable, sur un Canson punaisé au mur. Les étagères sont pleines de boîtes à chaussures remplies de petits découpages le représentant dans toutes les positions imaginables, têtes, bras, jambes, accessoires, objets hétéroclites qui permettent à Gilbert Garcin de construire
ses scénettes, attention ici le numérique n’a pas sa place. Une fois réalisé, le cliché était confié à son fidèle tireur Bernard Caramante.
Si le charme opère si bien, c’est parce qu’il nous conte les petites évidences de la vie, le temps qui s’écoule, le quotidien, ces choses qui nous concernent tous et qui allient gravité et légèreté, humour
et dérision, mais de toute évidence lui n’est autre que nous-mêmes. Je me souviens d’une de ses phrases : « Aujourd’hui j’ai compris que je ressemblais à tout le monde. C’est pour ça que je ne passe pas inaperçu ».
Un jour Gilbert me téléphone, me demandant de passer chez lui ; il faut dire que nous habitions à Marseille à 300 mètres l’un de l’autre et nos rencontres étaient fréquentes. Il me présente deux portraits en noir et blanc grandeur nature le représentant, l’un est en buste l’autre en pied ; les deux images sont collées sur un carton rigide. J’étais habitué à ses autoportraits en miniature qu’il utilisait pour faire ses montages mais là je me demandais à quoi cela allait bien lui servir. « Je suis âgé me dit-il et je n’aurai jamais le temps de tout faire, de tout voir, prends donc ces deux effigies et promène-moi où tu veux à ta guise ». Nous étions dans les années 1995, coloriste invétéré me voilà parti acheter des bobines en noir et blanc avec mes deux « Gilberts » sous le bras ! Cela faisait partie de nos nombreux amusements photographiques et ces images n’avaient pas vocation à être publiées.
Christian Ramade.
Imagine est une
exposition présentée par Helio du 13 janvier au 10 mars 2024 à la maison Folie hospice d'Havré de Tourcoing ayant pour thème surréalisme et photographie. Photographies
de Gilbert Garcin, Willy Del Zoppo, Daniel Liénard, Louise Narbo,
Ayline Olukman, François Parmentier, Sabine Pigalle, Patrick Rimond,
Myriam Rispens. Le témoignage en photo des amis de Gilbert Garcin :
Fred Pereira, Bernard Plossu, Christian Ramade, Olivier Reynaud. Le film
Le Cabanon de mister G. de Rima Samman & Patrick Le Bescont.
VERNISSAGE LE SAMEDI 13 JANVIER A 16H
VISITES GUIDÉES A PARTIR DE 15H
ENTRÉE LIBRE